dimanche 15 avril 2012

Hip hip hip houba !

C'est du Chabat, alors on y va. Sans hésiter ou presque. Et on n'a pas tort. Sur la piste du marsupilami, malgré les écueils évidents (adaptation d'une BD intouchable de Franquin, présence de stars bankables - Jamel Debbouze, Lambert Wilson, Fred d'Omar et Fred, Patrick Timsit, etc. - et l'attente qu'elle implique, etc.), nous raconte une histoire rocambolesque et rigolote, servie par des acteurs parfois géniaux (la seule scène du dictateur Lambert Wilson travesti en son idole Céline Dion vaut de payer sa place au cinéma) et des détails de mise en scène absurdes comme on aime, exactement ce que l'on adore chez Chabat : Debbouze qui parle un espagnol approximatif ("Hijo de speculoos"), les clins d'oeil aux précédentes réalisations chabatiennes (des Nuls à Avez-vous déjà vu), des audaces folles (viol auriculaire canin), la devise du pays imaginaire de la Palombie ("Palonpeu, palombien"), les références à des films divers...



Et puis comme toujours, comme un ultime cadeau, une espèce de climax, le générique de fin est une oeuvre à lui tout seul, qu'il faut goûter consciencieusement jusqu'à la dernière seconde.
En plus la galerie de personnages est savoureuse... à commencer par le marsupilami himself, que l'on voit, que l'on suit, dont on apprend la vie...


Au coeur du burtonarium

Incontournable. L'expo Tim Burton à la cinémathèque de Paris fait le buzz depuis avant son ouverture, alors même qu'elle était vernie à New York et dans plusieurs autres mégalopoles du monde. Depuis, tous les magazines se sont fendus d'un papier, d'une interview, d'une critique, d'un compte rendu de voyage au coeur du burtonarium. Tous sont tombés d'accord : merveilleux, drôle, paradoxalement morbide, et surtout époustouflant d'imagination.



J'ai lu les articles, j'ai revu quelques images et j'ai appris des choses, ce faisant, sur l'intimité de ce monsieur plutôt discret en temps normal. Finalement, l'immersion dans cette expo, c'est la pénétration en profondeur de son monde intérieur. Jusqu'au plus intime. Les commissaires de l'expo sont allés jusqu'à récupérer des serviettes en papier de divers restos sur lesquels le maître avait griffonné des splendeurs, pour les exposer à l'instar des toiles et autres sculptures étranges. La plupart de ces travaux n'étaient absolument pas destinés à être exposés. Et pourtant ils sont là. Je ne sais pas comment Tim Burton lui-même a pris les choses, au début, s'il a fallu batailler pour le convaincre.



Toujours est-il que, très égoïstement, j'assure que si on peut craindre pour l'intégrité de Tim Burton, on est en droit d'être totalement satisfait pour le spectateur. Tous les personnages sont là, plus ou moins, parfois on reconnaît des ancêtres avant de découvrir les héros les plus fameux. On tombe alors sur un court métrage, un projet dont on n'avait pas connaissance et qui est là, décortiqué, remis dans le contexte de la vie du maître. La muséographie est simple et complète : des espaces thématiques pour les créatures burtoniennes, composés de dessins évidemment, mais aussi de sculptures, de vidéos et autres trucs rigolos.



Depuis ses premiers travaux proposés - et refusés - aux studios Disney jusqu'à la bande annonce de son prochain film à sortir le 9 mai, en passant par les travaux de conception de ses principaux personnages (Beetlejuice, Edward aux mains d'argent dont le costume - et les mains ! - est exposé, le petit monde d'Alice, de la Corpse Bride, et tous les autres), tout y est. Amené de manière claire et  ludique, en commençant par nous plonger dans le noir, avant de nous mettre devant un manège à monstre et de déployer les pires/meilleurs monstres devant nos yeux mi-terrifiés, mi-accro, 100 % amusés. Les clowns effrayant se font justice, les bébés sont cloutés, les Martiens hydrocéphales veulent prendre le pouvoir, les morts sont les rois. Il joue avec toutes nos peurs d'enfant. Ou, peut-être d'abord, avec les siennes.



Alors à vrai dire, certains hôtes peuvent effrayer : ceux baignant dans leur sang, ceux faits de cuir cousu, ceux avec des clous dans les yeux ou sur tout le corps, surtout. Mais le plus effrayant, ce sont certaines histoires, dont la plupart compilées dans le premier recueil rassemblant textes poétiques et aquarelles. La Triste Fin du petit enfant huître est à pleurer. Elle présente des histoires tellement cruelles d'enfants mal-aimés, incompris, sacrifiés.



Tim Burton est-il un homme heureux ? Maintenant, oui, très probablement, puisqu'il a une femme aimante, Helena Bonham-Carter, très présente, des enfants avec qui il peut mesurer son imagination, et surtout un art reconnu et partout plébiscité. L'assentiment du monde, des producteurs et du public, lui ont donné l'autorisation de vivre dans son monde, de le développer, d'en extirper toute la profusion, toute la noirceur rigolote, toute la morbidité attachante.



Nous, en tous cas, avec le Caouic, la princesse Tilou et Marinette, on a adoré. Plus de liens de parents, d'aînés, de responsable : Burton nous met à égalité au regard de la création, de l'esprit, de la fantaisie. Les enfants sont chez eux, et jouent à se faire peur. Les grands sont invités à se souvenir de leur prime richesse intérieure, celle où on ose associer le monstre et l'amour, la tombe et l'humour.
A noter : il faut prendre ses places au préalable sur le site de la cinémathèque, très bien fait. Des billets coupe-file imprimables à la maison : 1 € de plus pour trois à quatre heures de queue en moins ! Enfin, ne pas hésiter à s'offrir le gros bouquin noir rassemblant la quasi-totalité des dessins avec des textes sensibles, accessibles, éclairants : 49 € et ça les vaut !

vendredi 13 avril 2012

My heart belongs to daddy

Une belle histoire de trois femmes, une pré-ado, une maman, une mamie, aux prises avec un homme respectivement père, mari et fils de ces trois-là : pourquoi est-il absent, inquiétant toutes ces femmes ? On le découvre à mesure que la pièce se déroule, avec une économie de décors intéressante. Une pièce moderne et immédiatement accessible, avec une enfant en rollers, la télé, des jeux vidéo et des craintes adultes. Au milieu, les interprétations enfantines alimentées par l'absence de communication.
Belle performance de l'actrice qui joue à la fois la mère et le copain de la petite fille. Elle jongle entre les rôle, on s'y méprendrait. On n'oublie pas les clins d'oeil aux souffrances immigrées espagnoles...

Cloclo, plus incompris que mal-aimé...

Je n'aime pas Claude François. Pourtant son destin est lié au mien depuis toujours : il est mort quand je suis né. J'ai essayé de chanter en me pinçant le nez, d'engager des claudettes et de faire des pas de danse alambiqués. Et j'ai eu là la preuve que je n'étais assurément pas sa réincarnation. J'ai aimé Le Lundi au soleil grâce à la reprise qu'en ont faite, plutôt récemment, Kerenn Ann et Vincent Delerm. Et j'avoue un faible pour Magnolia forever. Ce côté disco extrêmement prononcé, franchement, c'est presque trop et c'est bon.
Bref.
On a fini par aller voir le film, avec Ck. Le caouic est resté à la maison bouder : Cloclo, alors là non, on lui en demandait trop.



J'avais l'intuition que ça allait être bien. Le battage médiatique là-autour avait bien insisté sur l'absence de concession, sur la présentation du personnage dans l'absolue rigueur de sa tête de con. Et en effet, sa jalousie - mâtinée d'infidélité notoire et continuelle -, ses excès de colère incompréhensibles, ses exigences de diva, ses tocs pesants, tout y est. Et pourtant, au regard de l'histoire qui nous est non pas contée mais expliquée, on comprend. On compatis. On vibre.
Parce que le plus abject dans l'histoire n'est pas Claude mais son père, dictateur obtu et manipulateur, obstiné et humiliant jusqu'à la bêtise crasse. Face à lui, une femme et deux enfants adorateurs, complètement sous le joug de ce gourou qui les maltraite pourtant. Toute la vie de Claude, qui reproduit nombre des travers paternels, s'étire vers le haut pour rendre fier le daron. En vain. Dès lors, tous les excès sont permis, à plus forte raison celui de ne jamais être satisfait, de toujours craindre la chute, la ringardise, l'endormissement sur lauriers.



Pour s'affranchir de cet écueil obligé du show business, Claude invente, inaugure, à coup d'audace et d'inspiration états-unienne. Les claudettes, jamais vu. Des claudettes noires, inédit. Des chorégraphies auxquelles il participe, sans précédent. Absorber les rythmes funk et disco pour développer sa musique, inconnu. Devenir un businessman en achetant un journal, en créant une agence de mode, révolutionnaire. Médiatiser un fils et cacher l'autre à toute la terre, inouï et carrément monstrueux.



Mais avant d'en arriver à cette gloire inquiète, Claude a bouffé son pain noir. A cause de son père, mais aussi de son histoire familiale et de ce retour d'Egypte dans les années 50 après les événements du canal de Suez où travaillait son père. La déchéance, la pauvreté, le déclassement...
Aussi ses comportements excessifs avec les femmes ou les sous-fifres peuvent être sinon justifiés, au moins compris. Il fallait bien un caractère exceptionnel pour tenir tête à un père fasciste domestique, une mère joueuse maladive, des fans omniprésentes (intéressant, son rapport avec elles) et le monde du show business qu'il n'a pas laissé le dévorer. Le tout avec un sens de la mode aigu, mais pas seulement pour suivre la vague : il a été réellement un avant-gardiste. A l'époque des vaches maigres, il harcèle le patron de la maison de disques Philips, convaincu de son talent inconnu. Plus tard, il sait écouter son manager Paul Ledermann qui lui assène de ne pas s'endormir sur son succès confirmé, puis il a la clairvoyance de le virer pour monter sa propre maison de disques. Musicalement, il sait écouter et digérer ce qui vient d'outre-Atlantique, il a d'ailleurs une culture musicale plutôt pointue et assez classique dans la pop. Pas du tout un chanteur à minettes, à l'origine ! Il se défend pendant tout le film de ce sobriquet qui l'agace.



Et - j'adore les anecdotes, dont le film est rempli - pour convaincre Etienne Roda-Gil, estampillé gauche bobo, de lui écrire des paroles de chanson (Magnolia forever), il lui lance : "Continue à écrire des chansons pour les riches, moi je vais continuer à faire rêver les pauvres." Enorme. Il y a aussi l'épisode où il invente au fil de l'eau les paroles de Comme d'habitude, au bord d'une piscine avec deux musiciens près de lui. Comme d'habitude. La chanson qui m'a fait venir les larmes lorsqu'il la chante aux Etats-Unis, devant sa mère et sa soeur. Sa chanson fétiche puisque Sinatra (qui dans le film ressemble beaucoup à  son père) la lui a reprise, ce qui représente pour lui plus que le graal.



Le film ne nous aura pas réconciliés forcément avec la musique de Claude François mais aura eu l'immense mérite, grâce à un scénario béton, des acteurs époustouflants (palme à Jérémie Rénier), une mise en scène soignée et cohérente, de nous faire comprendre le personnage. Un vrai personnage de roman, de cinéma... Avec la bande-son de tout une époque...

Télé-dictature

Normalement on était partis pour aller voir Cloclo. Et puis un texto de PoOn nous en a dissuadés : ça allait être pourri, alors qu'Hunger Games, qu'elle s'apprêtait elle-même à aller voir le soir-même, ce serait beaucoup mieux. Soit.
Je pressentais un teenage movie un peu gore, et finalement je n'étais pas loin du compte. Pas le temps de me rencarder au préalable sur le réalisateur, les acteurs, ni surtout la série de romans qui ont donné naissance à ce film-là. Tant pis.



Une jeune fille sage et responsable (de sa petite soeur Rue qu'elle adore et de sa mère, incapable de quoi que ce soit depuis la disparition du chef de famille) se débrouille pour faire vivre sa famille dans un monde post-apocalyptique où les humains sont répartis en districts, soit autant de castes. Notre Katniss se démène tant pour trouver à manger que pour secouer sa mère ou encore rassurer sa petite soeur effrayée par le prochain tirage au sort qui aura lieu pour trouver, dans les douze districts, un garçon et une fille afin de participer au annuels Hunger Games. Soit un jeu de télé-réalité poussé à son paroxysme où les vingt-quatre participants (dont certains, ceux issus des deux premiers districts, sont entraînés spécialement pour gagner) doivent évoluer dans une jungle reconstituée sous l'oeil de milliers de caméras... et s'entretuer afin qu'il n'en reste plus qu'un. Un seul gagnant couvert de richesses à la fin.



Certaines ficelles sont énormes, évidemment. Mais on se cramponne à son siège et le rythme est vraiment haletant. Katniss est magnifique, pas le genre de poupée qu'on nous sert d'habitude dans les teenage movies. Elle se sert autant de sa tête pour entourlouper les spectateurs et les sponsors de l'émission (les seuls à pouvoir rendre leur "aventure" plus vivable en envoyant des médicaments, des armes, etc.) que de son incroyable dextérité un arc à la main. Une sorte d'amazone du futur, figure sacrificielle et déterminée.
Elle est coachée, de même que son compagnon d'infortune, Peeta, secrètement amoureux d'elle, par une pouffe colorée, un alcoolo finalement attaché à elle...



... et un amour de Lenny Kravitz (!!!) doux et compréhensif.



Les autres candidats du  jeu sont eux aussi des personnages multiples : les gagneurs viandards et assoiffés de sang, les plus jeunes enfants innocents et perdus dans cet environnement plus qu'hostile.



 J'ai pleuré quand la petite compagne de Katniss se fait dessouder par une espèce de sale chipie venimeuse.
Un film à voir avec des tripes d'ado. Donc à voir.