Ça n'arrive pas si souvent que cela. Qu'un film prenne possession de soi au-delà du générique. Alors que l'on reprend le cours de sa vie, c'est comme si notre réalité était devenue la fiction, et l'imaginaire du film bien tangible, bien réel en nous.
Valse avec Bachir.
C'était la seconde fois que je le voyais. L'impression est différente, mais toujours viscérale.
Un homme israélien, documentariste, entreprend un voyage dans sa mémoire, en questionnant des camarades, des témoins, pour retrouver des souvenirs bien enfouis de sa participation à la guerre du Liban. Il y a des conversations entre amis, de la musique, de l'alcool et plusieurs pétards, la Hollande sous la neige et puis un flash rémanent, dont la découverte de la signification constitue l'intrigue de ce thriller plus vrai que nature.
Si Ari Folman avait simplement filmé avec une caméra, ça aurait donné un énième documentaire ordinaire. S'il ne s'était pas mis en scène, tout aurait été désincarné, neutre. S'il avait occulté le côté (essentiel) onirique, psychologique, psychanalytique, toute la poésie de son film serait restée enfouie elle aussi.
Mais non, il a créé une nouvelle manière de communiquer, en dessinant et en se mettant en scène directement.
Comme cela a dû se produire en lui, le spectateur, tout en reconstituant le puzzle des souvenirs pour retrouver la vérité, s'enfonce peu à peu dans les recoins des souvenirs, là où, probablement, il est le plus vulnérable. Et c'est là, quand il nous a bien hypnotisés, qu'Ari Folman réalise l'impensable, l'inattendu total à la toute fin de son film, dans les dernières secondes. Il coupe le souffle. Il envoie une enclume à la tête. C'est précisément ce plongeon sans raccord, brutal, dans la réalité la plus crue qui poursuit, une fois le film achevé. On passe d'une quête en film d'animation, où le prisme du dessin nous protégeait à peu près, à des images d'archives d'actualité de l'époque. Sabra et Chatila. C'est ce autour de quoi il tournait depuis le début de sa quête. Et il n'explique rien du moment où tout lui est revenu : mieux que cela. Par écran interposé et plus de vingt-cinq ans plus tard, il nous le fait vivre, ou presque.
ואלס עם באשיר est l'un des films de ma vie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire