J'étais persuadée d'être déçue. Pensez donc : une trilogie époustouflante, haletante, pleine d'hémoglobine, de tortures, de vengeance et de journalistes justiciers, servie par une série de trois épisodes pour une série anti-Hollywood au possible. Avec des gueules pas over maquillées, un rythme original, une unité épatante. Fallait-il en rajouter ? David Fincher (ô maître es horreurs et clairvoyance brutale) a eu envie. Alors puisque c'est lui, je suis allée au cinéma, pleine d'espoirs.
D'abord, il y eut le générique. Une espèce de cauchemar sur grand écran, couleur corbeau, figurant un fluide s'immiscant partout, dans des outils informatiques jusqu'entre deux personnages aimantés... Hypnotisant, déjà bouleversant. La chair de poule !
Puis il y eut Daniel Craig. Qui me laissait jusqu'alors d'une neutralité parfaite. Je n'ai même pas encore vu une seule de ses performances comme James Bond. Mais il est là, très vite, dans la peau de Mikael Blomkvist défait, humilié. Plutôt un taiseux, mais pas un timide. Et un déterminé. Il dégage un charme fou sans jouer les beaux gosses, sans arborer de muscle, tout concentré qu'il est sur la nouvelle enquête, totalement inédite, que lui propose le vieux PDG d'une entreprise phare du pays. Il jauge, il capte vite, il sympathise en laissant une distance polie et ferme. La scène où il s'installe dans la petite maison d'appoint sur l'île est exactement conforme au film personnel que je m'en était fait à la lecture du bouquin. Quand il travaille et réfléchit, il y est vraiment, il a de ce fait la vraisemblance qui faisait la force de la version suédoise. Et puis cette manie qu'il a de laisser une branche de lunette coincée derrière son oreille droite... Catchy !
Et puis il y eut Lisbeth Salander. La clé de voûte. Le cinquième élément. Le supplément d'âme. L'héroïne. Comment parvenir à mettre en scène une génie de l'informatique, hackeuse rebelle au parcours effarant, toujours sur le fil entre le statut de victime et celui de vengeresse, froide, très distante, asociale, gothique, bisexuelle, PASSIONNANTE. Comment trouver mieux que dans la version suédoise ? Bah en posant devant la caméra une Rooney Mara qui fait quasiment oublier Noomi Rapace. Elle est aussi diaphane que ses tatouages, piercings et fringues sont noires ; elle est aussi socialement inadaptée que son cerveau est puissant ; elle est aussi violente que les agressions dont elle a été victime sont ignobles ; elle est invisible mais elle sera bientôt partout...
Ces deux bombes se rencontrent et... ça marche. On y croit, l'histoire de non-amour est à peine esquissée, intelligemment présentée comme ne relevant absolument pas d'un fil conducteur essentiel. L'attachement n'est pas là. Et puis patience, on n'en est encore qu'au premier épisode, Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes... bêtement traduit par la Fille au tatouage de dragon, ce qui déplace l'intrigue essentielle, je trouve.
L'histoire est déjà gore par endroit, mais Fincher parvient à nous mettre une chair de poule tenace, à nous garder dans l'état juste avant de sursauter, et il le fait bien. Je n'ai pas retrouvé de patte commune à Millenium et à Seven ou Fight club. La scène partagée où Lisbeth consulte des archives dans un sous-sol éclairé par des néons pendant que Mickael parcourt à pas de velours les pièces de la maison du tueur... Par où arrivera l'horreur ? C'est intenable et délicieux...
Evidemment les ellipses sont nombreuses, comment montrer cinq cents pages en deux heures et demie ? Mais ça coule, rien ne choque et tout tient bien debout. Un truc qui m'a semblé pompier cependant : avoir flanqué une fille ado à Blomkvist. Juste pour lui permettre de percer le mystère des annotations religieuses de la victime recherchée ?
J'ai hâte de voir les suivants. Paraît que Fincher serait déjà attelé à la tâche...
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