Un cercle familial restreint, des tensions, des costumes, des objets, des éléments de décor très importants. Le masque du père, vieillard impotent, les couvre-chefs de la bonne, tantôt jeu d'échecs tantôt luminaire classieux... L'origine du trouble, on le comprend dans le tableau suivant, mis en scène en quelques secondes avec une espèce de changement de plateau spectaculaire et sobre à la fois : l'histoire se jouera autour, dans et avec une structure figurant tour à tour la porte de la maison familiale et une scène de cabaret transformiste.
L'histoire peut paraître un peu simpliste, mais peu importe : l'essentiel ici est de ressentir la manière dont les scénaristes et les acteurs figurent, font passer et transmettent les impressions du personnage principal.
Abusé par son père durant l'enfance (l'horreur de l'inceste est figurée par des marionnettes), il trouve la paix et un certain épanouissement en se muant, le soir venu, en diva sur la scène d'un cabaret flamboyant.
Quand il devient elle et chante, un personnage bouge avec elle et l'entoure de deux rideaux de perles rouges derrière lesquels elle se cache, se dévoile... Le rideau l'entoure et la protège. Tout un symbole.
On est entre Comme ils disent d'Aznavour ("J'habite seul avec Maman, dans un très vieil appartement"...) et un Almodovar de la grande époque... Le jeu des vêtements, costumes, et celui de la porte et de la scène (dans la scène, mise en abyme réussie), ne servent plus vraiment le sens de l'histoire, l'intrigue, mais sont autant de touches impressionnistes qui suscitent frisson, sourire, coeur qui se serre, espoir aussi lorsqu'un spectateur aveugle du cabaret tombe sous le charme de la diva, sans connaître sa véritable identité.
Il choisit d'abord une fleur rouge parmi plusieurs, dans une scène où la poursuite se pose sur ce que touche le personnage non-voyant... Vraiment touchant. Et puis ce tableau où les deux amoureux se trouvent au cinéma, face au public, avec entre eux et nous un écran blanc déroulé qui finit par projeter leur propre image. Onirique, magnifique !
Les trouvailles visuelles poétiques, sensitives et originales ne manquent pas dans cette belle pièce.
On confine à la danse contemporaine, plutôt en début de spectacle, lorsque la gouvernante fait faire à son patron en fauteuil roulant une gymnastique dont on suppose qu'elle est prescrite pour conserver au vieillard un minimum de tonus musculaire.
Les corps des deux acteurs se mêlent dans une chorégraphie millimétrée, époustouflante, apparemment douce comme si les corps glissaient l'un sur l'autre.
Une belle soirée, pleine de rêve et d'émotion, et une petite larme à la fin bien entendu. J'ai beaucoup pensé à NBY, qui aurait été charmé et captivé par le propos de cette pièce, par les trouvailles imaginées pour raconter ce conte moderne pour adultes.
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