dimanche 4 mars 2012

A nos cousins d'outre-Atlantique


Quelle bonne tranche de rigolade que cette soirée passée avec Fred Pellerin. Je l'ai aimé tout de suite, dès les affiches placardées un peu partout en ville. Il a une bouille enfantine, entre Tintin et Harry Potter avec ses yeux cerclés de ronds en métal intemporels. Il est sur scène comme au salon, au café, chez Mémé. Il parle, enfin on dirait, avec le flux de la conversation, les digressions, tout ce qu'il faut. Mais non, il ne parle pas, il raconte, messieurs dames. Fred Pellerin est un griot, un chamane, un Hermès moderne qui passe les traditions, les légendes, les coutumes, depuis l'ancienne génération qui les pratiquaient encore jusqu'à nos temps d'emportements virtuels et si vite oubliés. Fred Pellerin ne fait pas que raconter des histoires et faire rire. Même si tout cela ne serait déjà pas mal du tout. Non, il ajoute à son propos et à son inimitable flow quelques chansons, parenthèses poétiques bienvenues ; il s'efface, en fin de spectacle, devant le passage d'une cassette cachée par sa grand-mère dans un piano (!), témoignage impromptu d'un temps qui est parti mais qui semble tellement, tellement présent dans la voix de cette aïeule essentielle ; il justifie ses gesticulations merveilleuses, enfin, par la guerre déclarée de longue date et de plus en plus délicate, dont la stratégie consiste, par tous les moyens, à préserver, maintenir, développer, faire vivre la langue française outre-Atlantique, face au géant anglophone.
Le lien avec l'aïeule, la transmission comme étendard, la terreur d'oublier, tous ces éléments clés du spectacle m'ont bouleversée et laissée, les lumières se rallumant, bien émue. Jusqu'à ce qu'on vienne me parler des chiens dressés pour détecter les cancers de la prostate. La bulle s'est crevée, le rêve s'est envolé, mais l'émotion est restée, en partie.

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