dimanche 4 mars 2012

Au commencement était Malick


Un peu de musique pour essayer de comprendre un peu, avec ses tripes... (Référence à un autre film pour les images, d'ailleurs, mais fermez donc les yeux, vous louperez dommageablement Harvey Keitel mais pas question de se disperser !) :

Vite, vite, écrire quelques lignes sur The Tree of life, vite avant qu'on en aie tout dit et son contraire, qu'on aie décortiqué et disséqué tout de ce monument, puisque c'est son meilleur qualificatif. Vite, avant d'avoir trop lu à son propos !
Parce que (coïncidence ? héhéhé), le film que je suis allée voir hier soir a remporté la Palme d'or ce soir ! 
J'ai vu plusieurs films de cet OFNI, objet filmant non identifié qu'est Terrence Malick, un réalisateur texan maladivement timide qui n'a pas posé un doigt de pied à Cannes. Je savais qu'il était un peu démiruge dans ses films, à montrer la nature avec grâce, emphase, poésie, un côté organique et habité aussi. Mais là il a probablement signé son chef-d'oeuvre, et je sais que cela en ferait hurler quelques-uns qui, à mes côtés hier soir, ont pouffé devant la réelle anormalité de ce qui est montré. Certes il y a une histoire, celle d'une famille américaine. Mais le procédé est absolument inédit. Il filme des souvenirs, des attachements, des révoltes, la naissance de la violence, l'amour viscéral, le pardon, la perte, le deuil, la paix enfin. Une vie d'homme, quoi. D'ailleurs le personnage principal, incarné par un garçon au jeu éblouissant et par Sean Penn une fois adulte, mêle le passé et le présent dans son esprit. Là où tourne Malick. L'esprit davantage encore que le coeur. Il donne à voir quelles relations un homme entretient avec l'enfant qu'il était, comment on ne finit jamais de vivre, digérer et comprendre l'enfant qu'on a été. Cela passe par des images à la succession juste poétique (et donc ne cherchant pas une logique quelconque), par des plans véritablement fulgurant qui rendent exactement, je veux dire EXACTEMENT les mouvements de l'âme. Ce qui par conséquent ne peut être dit ni communiqué. Sofia Coppola sait faire cela pour les filles ; Monsieur Caouic a éprouvé la même chose, en tant qu'homme et ancien garçon, avec Malick. Je le crois sans peine. Pour moi qui ne suis qu'une caouiquette, j'ai eu l'impression (au sens où les images de Malick s'imprimaient en moi) de l'attachement, de la révolte, de la violence, du pardon, du deuil et de tout ce que j'ai déjà énuméré plus haut. Bravissimo et respect éternel pour cela, Monsieur Malick.
Alors on comprend d'autant moins, au ressenti de tout cela, qu'une bonne demi-heure, après l'incipit du film, celui-ci se mette soudain à ressembler à Ushuaia Nature, La terre vue du ciel ou encore un (certes excellent) docu genre National Geographic. Malick pousse son bouchon à fond et nous montre la naissance de la vie sur terre. Il y a même des dinosaures au casting. Alors là, oui, je comprends les filles qui se sont poilées de surprise, d'incompréhension, devant ce décalage sidérant, déconcertant. "Admiration perplexe" pour Rue89, "film-monument qui s'égare parfois dans un symbolisme fumeux" pour Télérama. Comme je leur en veux d'avoir trouvé avant moi ces périphrases parfaites ! Et pour moi, fulgurance interdite, oserais-je.
Pourtant, on voit bien qu'il raconte l'histoire du monde puis prend un exemple avec tout ce que traverse cette famille, cet homme, ce qui l'amène à se poser les questions existientielles, auxquelles ont débouché tous ces millénaires qui ont commencé ainsi... Mais... C'est assez déconcertant. Définitivement désarçonnant. Tout de même : des dinosaures dans le même long métrage que Bradd Pitt. Faut être sérieux. J'en connais deux qui n'ont pas pu garder leur sérieux hier soir, et je ne leur en veux pas !
Deux choses encore : Facile à comprendre et agréable à trouver et retrouver, les références aux racines (le motif des pieds, depuis ceux du bébé qui vient de naître et présentent déjà comme des lignes de vie, de coeur, de chance, etc. et ceux de la maman qui marche dans l'herbe et se les passe au jet d'eau) à la cime (canopée (quel joli mot, c'est Monsieur Caouic qui me l'a fait découvrir), contre-plongées sur les branches qui s'élèvent avec un sentiment vertigineux de vitesse, etc.) ; le passage éblouissant et totalement absolu sur la nature et la grâce, qui s'apparente en épousant presque exactement la réflexion que je me suis faite, souvent, de ce choix obligatoire que doit faire toute femme - ou tout humain - entre ces deux pistes de vie. Il est rare, avouons-le, qu'un cinéaste dessine la silhouette de nos rêves ou de nos états d'âme. Terrence Malick est de ceux-là.

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