dimanche 4 mars 2012

Les contes du wild wild west


Qu'est-ce qui fait donc le génie des frères Coen ? Depuis des années, je les adore, je suis leur filmographie à la loupe, je me délecte de leurs films, jusqu'à entretenir une blessure secrète de n'avoir pas compris/aimé/supporté l'un d'entre eux (No Country for old man). Dernière oeuvre en date, True Grit. leur plus gros succès aux States, pourtant pour le voir en France, il faut aller soit dans les très grands cinés qui disposent de près de vingt salles, soit dans les cinés d'art et essai. Bref. Timing oblige, c'est dans la première catégorie que Monsieur Caouic et moi, accompagnés de la PoOn, avons savouré ce True Grit, signifiant à la fois un sacré cran, un titre de journal et le maïs dont on fait les galettes, très présentes dans le film.
Les frères Coen ont toujours ce sens inné et extraordinaire de conteurs. Ce qui est distrayant, reposant et régénérant chez eux, c'est qu'il n'y a pas à se prendre la tête pour disséquer les plans, les psychologies des personnages ou les choix de mise en scène. Tout chez eux sert un seul et unique objectif : l'histoire. Qu'ils érigent en graal, au-dessus de toutes contingences. Et ça fonctionne, à chaque fois. Pourtant, à bien y regarder, rien de révolutionnaire : pour servir une bonne histoire, il faut un début, une intrigue, des personnages triés sur le volet qui se débattent dans ce motif et une fin claire. Exactement comme dans le conte, toujours élaboré sur un même schéma. Sur ce canevas, Ethan et Joel Coen appliquent leur grain de folie : situations absurdes ou kafkaïennes, galerie de portraits genre cour des miracles, dialogues affûtés, personnages à nuls autres pareils. Et surtout, surtout, saupoudré sur toute cette recette géniale, l'élément qui lie l'ensemble : l'humour.
Voilà donc une gamine de 14 ans à nattes, fermement décidée à venger la mort de son père et n'hésitant pas à s'incruster dans le monde viril, macho, crade, aviné, magouilleur et terriblement sanguinaire des bandes, marshals, rangers et habitants en général du Far West. Elle, c'est la morale, le droit (qu'elle maîtrise sur le bout des doigts) et une diction parfaite avec des mots choisis et beaucoup de vocabulaire pour servir une mâturité exceptionnelle et ahurissante. Eux, les autres, ce sont des hommes sales, poivrots, brutaux, têtus, fiers, partisans. Elle, Mattie, va se mouvoir sans l'ombre d'un souci et sans jamais coup férir au milieu de ce territoire hostile. Hostile, au début, en tous cas, vis-à-vis du marshal (Jeff Bridges, tellement bon qu'on voudrait l'épouser, et si différent du Big Lebowski) et du ranger (Matt Damon, ridicule et excellent. Les Coen aiment donner aux sex symbols des rôles à contre-courant, comme pour Clooney et Pitt, et ça fonctionne toujours à merveille).
L'hostilité, pour elle, ne tient pas seulement à l'univers d'hommes violents qu'elle intègre. C'est aussi la nature, autour en terrain indien, belle mais dure : forêts, neige, terre, rivière (quelle scène lorsqu'elle la traverses avec son Blacky sous les yeux médusés et admiratifs du marshal et du ranger !), etc. La nature a un personnage à elle seule. Il y a peut-être quelque chose à extirper, à réfléchir, à interprêter de cela. En rapprochant, par exemple, la pureté de Mattie, tant physique que morale, à la neige qui tombe, en doux flocons silencieux et drus.
Je n'ai toutefois pas pu m'empêcher de décrypter certains signes de violence à l'encontre de la féminité toute enfantine de Mattie : outre qu'on la repousse au début non seulement parce qu'elle est jeune, mais aussi parce qu'elle a eu la drôle d'idée de naître fille, le ranger lui dispense une mémorable fessée à la rivière, les serpents (et toute l'imagerie afférente) la menacent à la fin, juste avant que la fièvre ne la fasse repousser le marshal qui l'emmène de force, non  sans avoir aspiré le venin de sa main... Vois-je le mal partout ? Peut-être. Toujours est-il que, même sans chercher à interprêter, chaque film des Coen est d'abord une belle histoire. Une histoire forte, drôle et surprenante. Et que l'on a toujours besoin de cela. De plus en plus, même...
PS. J'ai choisi une image du film où l'on ne voit que la jeune et incroyable actrice. Comme pour la consoler, à ma bien piètre échelle, que son nom ne figure pas en haut de l'affiche à l'instar des hommes qui jouent avec elle. Et qui pour certains n'apparaissent à l'écran que le tiers du temps où elle l'illumine !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire