Vite, fixer le bonheur avant qu'il ne se sauve, avant de lire trop de critiques, avant d'être galvaudée. A première vue, Drive appartenait à la catégorie des films de bourrins, avec effets spéciaux et surtout sans aucune profondeur. La faute au titre, à l'affiche, à quelques scènes de la bande annonce. Cela m'évoquais Fast and furious (quand j'y pense, quelle honte). Je me rappelle avoir dit à Monsieur Caouic, au cinéma, "ce n'est pas pour moi". Et puis j'ai vu Kavinsky dans la bande originale et j'ai lu quelques critiques. Celle de Télérama d'abord, je crois, et je me frottais les mains d'avance en imaginant ce que le journaliste allait pouvoir trouver pour transmettre son ennui profond à la projection. Et bah pas du tout. Pareil pour les Inrocks, pour qui l'acteur principal est même le nouvel it-boy d'Hollywood !
A la faveur d'un après-midi coincée à la maison pendant que deux messieurs font des travaux chez moi, je traîne à chercher des épisodes de Desperate Housewives et puis je tombe sur Drive. Je suis curieuse. Et hop. Première scène époustouflante, à la fois calme et nerveuse. Presque sans dialogue. Sombre, urbaine, interlope. A la Michael Mann, comme j'ai pu lire par la suite. Film d'action ? Film violent ? Oui. Mais aussi : film sentimental, film contemplatif, film sensuel. Oui, avec une vraie tension sexuelle quand la scène la plus hot (et l'une des scènes clé) figure un baiser dans un ascenseur juste avant un déchainement de violence rare.
Et puis la musique. Ethérée, eighties, douce, presque irréelle, onirique. La police de caractère choisie pour le générique de début et de fin nous replonge lui aussi dans les années 80, et puis tiens, finalement, quand se passe l'action, au juste ? Peu importe. Le personnage au centre de cette histoire est intemporel, presque immatériel lui aussi : sans passé, sans vraiment de dialogue, sans expression et pourtant... Il n'a pas de nom, je crois, à moins que celui-ci ne m'ait échappé. Il semble tendre vers une normalité que peuvent lui offrir une belle voisine et son enfant charmant. Et même cette pauvre histoire d'amour n'est pas mièvre quand on est dedans.
Parce que les choses ont changé. Je vois pas mal d'articles sur la virilité ces derniers jours : Refn, le réalisateur, a imaginé là une nouvelle sorte d'homme, aux confins du sentiment et de la douceur d'un côté et de la froideur et de la violence de l'autre. Sur le papier, cela paraît impossible à incarner. Et bah si. Ryan Gosling y parvient avec un naturel lointain et mutique désarmant.
Finalement, à y repenser, tout dans ce film tient du film d'animation pour adultes ; je peux sans peine me remémorer plusieurs scènes en dessinant les plans mentalement. C'est que ce personnage de driver roule sur le fil entre rêve et réalité, entre romantisme et action, entre douceur et brutalité. Il a tout du superhéros englué dans une vie banale le jour et extraordinaire la nuit. Sauf que lui voudrait sortir de sa nuit.
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